Maria Grazia Chiuri a présenté sa collection Cruise 2023 pour Dior le jeudi 16 juin 2022 à 22h15. Un show d’une poésie incroyable sur la Plaza de España à Séville.
Pour Maria Grazia Chiuri, directrice artistique de la maison Dior, la tâche s’annonçait ardue. Comment égaler le défilé Cruise 2022, qui s’est déroulé il y a douze mois au beau milieu d’un monument archéologique, le stade panathénaïque d’Athènes ? A Séville ce jeudi 16 juin, la créatrice a prouvé qu’elle n’était pas à court d’idées. Le cadre : la Plaza de España à la tombée de la nuit, illuminée comme un tableau de Goya. Sur les deux ponts qui surplombent le canal se tenaient des groupes de danseuses jumeaux, en jupons de tulle et justaucorps rouges. Devant chacun d’eux, un danseur et une danseuse de flamenco, cheveux longs, costumes noirs et talons claquant sur le sol. Pour les accompagner, un orchestre de cordes, un piano et une première violon bouleversante. C’est sur ce catwalk magistral que des dizaines de silhouettes ont défilé, précédant leurs ombres dans les coursives des bâtiments.
Leurs tenues évoquaient tour à tour les toréadors, le flamenco, les tenues équestres de la duchesse d’Albe et de Jackie Kennedy, la chanteuse et danseuse Carmen Amaya, mais aussi les taffetas colorés et le faste de la cour d’Espagne. Sur les vestes courtes, des broderies, sur les boléros, des passementeries, et des mantilles, des châles de Manille, du velours sur l’iconique tailleur Bar, du noir, du rouge, du jaune et du violet… Les invités, triés sur le volet, ne s’y sont pas trompés, venus encercler Maria Grazia Chiuri à la fin du show pour la féliciter. Ce que la directrice artistique de Dior a proposé ce jeudi 16 juin, c’est un défilé d’une poésie magistrale, poignant et mélancolique. Sublime.
Le défilé Dior automne-hiver 2022-2023
Pour son défilé prêt-à-porter automne-hiver 2022-2023, la maison Dior a imaginé un curieux décor : une boîte aux murs gansés de rouge sur lesquels des reproductions de portraits de femmes célébrissimes (La Joconde, La Grande Odalisque…) peints entre le XVIème et le XIXème siècle étaient accrochés. Leur particularité ? Ils étaient coupés pour mettre l’accent sur les visages des modèles dont les yeux étaient dédoublés. Une façon pour Mariella Bettineschi, l’artiste à l’origine de cette installation nommée The Next Era, d’interroger le regard porté sur les femmes depuis la nuit des temps. Le plus souvent un male gaze, un regard masculin, puisque pendant des décennies, la plupart des artistes célébrés et exposés dans les musées étaient des hommes.
Pour Maria Grazia Chiuri, première femme directrice artistique de la maison Dior, cette saison automne-hiver 2022-2023 était l’occasion de se rapprocher d’une esthétique plus brute que d’ordinaire. Asymétries franches sur les jupes plissées, denim noir, combinaisons en cuir, gants de motards… Sous les robes grises ou noires pointaient de longues chaussettes néon quand le mythique tailleur Bar ne se portait pas avec un legging ton sur ton. Les vêtements techniques, quant à eux, étaient légion : système pour réguler l’humidité et réchauffer le corps, combi aux couleurs fluorescentes, lunettes de science fiction… Mais l’entrée dans cette nouvelle ère n’a pas empêché Maria Grazia Chiuri de rendre hommage aux codes de la griffe. Ici, une tapisserie chère à Monsieur Dior, là, un jupon transparent ou un corset élégant sans oublier les broderies délicates qui ornaient la plupart des créations. Bref, une next era que l’on a hâte de voir débuter.
« Le hasard vient toujours au secours des gens qui ont très envie de quelque chose« . Si Christian Dior accorde autant d’importance à la notion de destin, c’est que le sien n’a tenu qu’à une étoile. Le 18 avril 1946, Christian Dior a 41 ans et il travaille alors depuis 4 ans chez le couturier Lucien Lelong à Paris. Né à Granville le 21 janvier 1905, il a troqué une carrière dans les renseignements français pour de l’illustration de mode, notamment dans les pages du Figaro Illustré avant de devenir l’assistant designer du célèbre couturier parisien Robert Piguet, de 1938 à 1942. Ce jour d’avril 1946, Christian Dior vient de rencontrer l’industriel du textile Marcel Boussac, également surnommé « le roi du coton ». Celui-ci lui propose de reprendre la direction artistique d’une maison de mode nommée Philippe et Gaston. Ira, n’ira pas, Christian Dior n’arrive pas à se décider. Jusqu’à ce que, déambulant rue du Faubourg Saint-Honoré, il trébuche sur une étoile. Sa bonne étoile, considère-t-il, qui le pousse à accepter la proposition de Marcel Boussac à condition qu’il ne s’agisse pas de reprendre Philippe et Gaston, mais bien qu’il lance une maison de mode qui porterait son nom, où, écrit-il dans ses mémoires : « tout serait nouveau depuis l’état d’esprit et le personnel jusqu’au mobilier et au local« .
La maison Dior voit donc le jour en octobre 1946, au sortir de la seconde guerre mondiale, et son tout premier défilé a lieu le 12 février 1947 à 10h30. Les critiques de mode ont rendez-vous dans les salons du 30, avenue Montaigne, dans le VIIIe arrondissement parisien, là où se tient aujourd’hui la boutique de l’avenue Montaigne. Après les années de guerre et de rationnement, le couturier présente une collection féminine, toute en volume et particulièrement moderne. Tant et si bien qu’en découvrant les silhouettes de Christian Dior, la rédactrice-en-chef de Harper’s Bazaar, Carmel Snow, ne peut retenir son enthousiasme et déclare au créateur : « Vos robes ont un tel new look ». La formule fait date et le couturier s’applique dès lors à développer ce New Look dont la signature est le fameux tailleur Bar, cette veste à basques qui imite les hanches des femmes et se porte sur des jupes plissées.
« Je voulais que mes robes fussent « construites », moulées sur les courbes du corps féminin dont elles styliseraient le galbe », expliquait Christian Dior. Des pièces d’exception, donc, pour des « femmes-fleurs », comme le couturier les désignait, afin d’égayer leur quotidien après les années noires de la seconde guerre mondiale. Pendant dix ans, il continue ainsi de dessiner les contours de cette femme contemporaine et élégante jusqu’à son décès brutal d’une crise cardiaque, à Montecatini en Italie le 24 octobre 1957. Prévoyant, Christian Dior avait pris la peine d’indiquer le nom de la personne qu’il souhaitait voir prendre sa suite. Un jeune homme de 21 ans, entré deux ans plus tôt au 30, avenue Montaigne, nommé Yves Saint Laurent. Celui-ci y restera jusqu’en 1960 et y gagnera son surnom de « Petit Prince de la mode », ainsi que la reconnaissance de la presse.
Après lui se suivront dans l’ordre Marc Bohan, Gianfranco Ferré, John Galliano, Raf Simons et Maria Grazia Chiuri. Si dès la création de sa maison, le couturier avait lancé Dior Parfum, ses fragrances, il faudra attendre Marc Bohan et les années 70 pour que naissent Christian Dior Monsieur (transformé par Hedi Slimane en Dior Homme en 2001) et Baby Dior. L’époque a changé et la diversification est de mise puisque les créations sur-mesure trouvent moins de clientes que dans les années 50. Les défilés haute couture demeurent néanmoins et perdurent jusqu’à nos jours. C’est aujourd’hui l’occasion pour la maison de présenter le savoir-faire traditionnel et prestigieux des ateliers Dior situés avenue Montaigne, autant que de faire rêver les amateurs de mode. À l’homme aussi, les directeurs artistiques prestigieux se succèdent et imposent leur patte. En plus d’Hedi Slimane, qui a exercé ce rôle de 2000 à 2007 révolutionnant la mode des 00’s en y introduisant l’allure slim, la maison Dior a vu défiler Kris van Assche jusqu’en 2018, puis Kim Jones. Ce dernier développe une silhouette masculine cool à souhait et multiplie les collaborations avec les marques hyper désirables.
La maison Dior appartient au groupe français LVMH depuis 2017. Auparavant, elle était détenue par une holding de la famille Arnault, également propriétaire de l’entreprise, fleuron du luxe hexagonal. Il n’y a qu’à voir : LVMH compte dans son portefeuille des marques toutes plus prestigieuses les unes que les autres, de Louis Vuitton à Givenchy en passant par Fendi, Kenzo ou encore Celine. Le groupe dispose donc désormais de toutes les activités de Dior, parmi lesquelles la parfumerie, le maquillage, le prêt-à-porter et la couture. Des activités toutes florissantes portées par les ventes de hits comme les parfums Miss Dior, Bois d’argent, Eau Sauvage ou encore J’Adore, mais aussi par la maroquinerie et les vêtements qui permettaient à la griffe d’engranger en 2019 un chiffre d’affaires de 53,7 milliards d’euros.
Le prêt-à-porter
En plus de la fameuse veste Bar et des jupes corolles, de nombreuses pièces ont rejoint le lexique Dior au fil des ans. Il en est ainsi du bustier, que Maria Grazia Chiuri ne cesse de réinterpréter au fil de ses collections. La jupe en tulle est également devenue un classique de la maison, au même titre que la petite maille logotypée ou la veste en denim imprimée.
Les sacs à mains
Il n’y a pas que les vêtements qui font tourner toutes les têtes. La maroquinerie donne aussi le vertige aux fans de sacs Dior. Parmi les modèles emblématiques, il faut compter sur le Lady Dior, sac de dame par excellence, qui a été offert par Bernadette Chirac, alors première dame en France, à la princesse Lady Diana en 1995. Alors nommé « Chouchou », ce it bag en puissance n’était pas encore commercialisé. Venant tout droit des années 2000, le Saddle Bag, frappé du logo Dior et remis au goût du jour par Maria Grazia Chiuri en 2018, est désormais aperçu aux bras de toutes les filles lancées. Même traitement pour le cabas Book Tote que les plus chanceuses peuvent faire personnaliser à leur nom. Le petit sac matelassé Caro, imaginé en hommage à la sœur du créateur, est lui aussi un modèle dont le succès ne se dément pas.
Nouvelle-née de 2022, la ligne Dior Vibe s’annonce comme la prochaine collection de it bags que toutes les modeuses vont s’arracher. Au programme, un sac Bowling aux accents 90’s et un sac Hobo aux couleurs pop. Recouverts du cannage emblématique de la maison, imprimés d’étoiles ou en cuir lisse, ils sont tout simplement irrésistibles.
Les souliers
Depuis quelques années, la maison n’a de cesse d’imaginer des modèles ultra désirables. Parmi ses it shoes, les mules Dway, les escarpins slingbacks J’adior, les baskets Dior-ID et les sneakers B23.
Les foulards en soie
Profitant de la résurgence 60’s, les foulards en soie ont le vent en poupe ces dernières saisons. L’occasion pour la maison Dior de réinventer le carré, en lui donnant des lignes plus modernes que jamais. Des imprimés fleuris, des couleurs éclatantes, des motifs toile de Jouy et des logos XXL décorent ces accessoires délicats. Pour les confectionner, Dior déploie son incroyable savoir-faire, entre gravure à la plume, halo de vapeur et découpe à la main dans les ateliers italiens de la maison. À nouer sur le crâne, enrouler dans une tresse ou porter, tout simplement, autour du cou.
La joaillerie
Maison de luxe par excellence, Dior Paris se devait de proposer à ses clientes des collections de bijoux exceptionnelles. Avec Victoire de Castellane aux commandes depuis la naissance du département de joaillerie Dior en 1998, la marque présente chaque année une dizaine de collections à l’image colorée et à l’univers fleuri. Les autres emblèmes de la maison, comme les abeilles ou les roses des vents, font également partie du vocabulaire de Dior joaillerie. En 2020, le documentaire « Les Bijoux Dior de Victoire de Castellane ! » réalisé par Loïc Prigent récapitule toutes les collections réalisées par cette dernière.
Dior et les collaborations
Sous l’impulsion de Kim Jones, directeur artistique des collections masculines, la maison Dior a ces dernières saisons collaboré avec de nombreuses marques réputées. C’est le cas de la ligne imaginée avec la griffe japonaise Sacaï pour l’automne-hiver 2021-2022. Mais aussi de plusieurs créations conçues avec le géant du sportswear américain Nike, dont la Air Jordan 1 OG Dior dévoilée en marge du show automne-hiver 2020-2021 présenté à Miami. Ou encore de la collection de valises créée en partenariat avec Rimowa à l’été 2020.
Avec plus de 200 magasins dans le monde, Christian Dior est présent sur les cinq continents. Précurseure dans son secteur, la marque dispose d’une boutique en ligne depuis 2005. On peut y acquérir l’intégralité des produits proposés par Dior, des sacs à main au prêt-à-porter féminin, en passant par les souliers homme. À Paris, les adresses incontournables se trouvent sur les Champs-Elysées et avenue Montaigne. Une boutique qui vient d’ailleurs de s’offrir une véritable cure de jouvence. Après deux ans de travaux, le magasin a rouvert ses portes en mars 2022. Au programme : 10 000 mètres carrés de pure luxe. Art de vivre, prêt-à-porter, joaillerie, beauté, culture, hôtellerie… La boutique abrite aussi la Galerie Dior, un tout nouveau lieu d’exposition. Les fans de la maison peuvent y découvrir l’histoire de Christian Dior, les coulisses des ateliers et les secrets que recèlent les parfums frappés des initiales CD. Et ce n’est pas tout ! La gastronomie aussi trouve sa place au 30, avenue Montaigne puisque le chef Jean Imbert signe la carte de Monsieur Dior, le restaurant niché au cœur de ce véritable concept store. Un lieu à visiter dès à présent.
Pour les amatrices de mode rétro qui voudraient s’offrir des pièces Dior vintage, mieux vaut se tourner vers les boutique et les sites de seconde main spécialisés, comme Vestiaire Collective, Collector Square ou Monogram. Les salles de ventes aux enchères Christie’s, Sotheby’s et Artcurial proposent aussi fréquemment des sélections d’articles de luxe. En bénéficiant de l’œil aguerri de ces experts, on s’assure de ne pas acheter une contrefaçon. D’autant plus qu’il est fréquent de croiser sur eBay ou dans les vide-greniers de faux sacs à main Dior d’occasion.
Outre le logo composé d’un C et d’un D en lettre majuscule, Christian Dior, très superstitieux, faisait apparaître dans ses collections de nombreux symboles. En plus de coudre des brins de muguets séchés dans les ourlets de ses robes, il était fasciné par le chiffre 8, qui a les mêmes courbes que la silhouette New Look dont il est à l’origine. Sa bonne étoile, également, se retrouve aujourd’hui sur nombre des créations de la maison. Le trèfle à quatre feuille, qu’il gardait toujours à portée de main, est quant à lui apposé sur les chevalières Lucky Dior, tout comme la rose, fleur qui s’épanouissait dans les jardins de Granville, et l’abeille, petit nom avec lequel Christian Dior surnommait les couturières qui s’affairaient dans ses ateliers. Les directeurs artistiques qui ont pris sa suite égrènent à leur tour le long de leurs collections pour la maison ces symboles chers au créateur.
Dior et les artistes
Dessinateur, un temps directeur d’une galerie de tableaux qui exposait Pablo Picasso, Salvador Dali, Joan Miro, Georges Bracque, Alexander Calder ou encore Alberto Giacometti, Christian Dior a longtemps fréquenté des artistes. Parmi ses amis, il faut compter le poète Max Jacob, l’écrivain Jean Cocteau, le photographe Willy Maywald… Ce lien évident entre l’art et la mode fait partie intégrante de l’ADN Dior, et ce, encore aujourd’hui. Exemples parmi tant d’autres, lors de son premier défilé pour la maison parisienne en juillet 2012, Raf Simons s’est inspiré des toiles abstraites du peintre Sterling Ruby et des dessins d’Andy Warhol. Plus récemment, lors de la Fashion week haute couture automne-hiver 2021-2022, Maria Grazia Chiuri a demandé à l’artiste Eva Jospin de créer une tapisserie géante intitulée Chambre de soie, en référence au livre quasi homonymique de Virignia Woolf. Cette œuvre de 40 mètres de long s’inspirait aussi de la Salle aux Broderies du palais Colonna à Rome. Elle présentait, en tout, 350m2 de broderies tissées à la main par les artisans de l’atelier Chanakya à Mumbai. Pour que tout un chacun puisse en profiter, elle était ensuite accessible au public pendant plusieurs jours après le défilé au musée Rodin, dans la salle où s’est tenu le show.
Dior et les acteurs
Passionné de cinéma, Christian Dior n’a jamais manqué d’habiller les actrices en vue. Marlène Dietrich assiste par exemple au premier défilé de la marque en février 1947. Et elle est loin d’être la seule. Elizabeth Taylor, Grace Kelly, Ingrid Bergman, Ava Gardner, Brigitte Bardot, Marion Cotillard, Jennifer Lawrence, Charlize Theron… Toutes des aficionados de Dior sur tapis rouge ou sur grand écran, invitées régulières des défilés de la maison. D’ailleurs, en 2021, la marque a nommé l’une d’entre elles ambassadrice : l’actrice Anya Taylor-Joy, connue pour avoir incarné Beth Harmon dans la série Netflix Le jeu de la dame.
En 2017, pour les 70 ans de la maison Dior, le musée des Arts Décoratifs a présenté une rétrospective événement intitulée Christian Dior, couturier du rêve. En tout, 300 modèles de haute couture imaginés par tous les directeurs artistiques passés par la maison y ont été exposés pendant près de 6 mois. De quoi interpeller quelque 708 000 visiteurs curieux d’en savoir plus sur la célèbre maison française.
Pour découvrir d’autres archives de la maison Dior et en connaître davantage sur l’enfance du créateur, direction sa ville natale, Granville, en Normandie. Sa maison d’enfance, la villa « Les Rhumbs » reconnaissable entre mille à ses murs rose pâle, accueille depuis 1997 le musée Christian Dior. En plus d’un jardin magnifique, le lieu abrite des expositions consacrées au couturier sur des thématiques bien particulières : Dior en roses, Grace de Monaco, La révolution du New Look… De quoi en découvrir toujours plus sur Christian Dior.