L’affaire du sang contaminé est l’un des plus grands scandales sanitaires en France. Entre 1984 et 1985, 2000 hémophiles ont eu le virus du sida (VIH) suite à des transfusions de sang contaminé. Ces produits auraient été volontairement distribués. Résumé de l’affaire.
Le scandale du sang contaminé éclate le 25 avril 1991 en France. Ce jour-là, la journaliste Anne-Marie Casteret, révèle que le Centre national de transfusion sanguine (CNTS) a sciemment distribué, de 1984 à 1985, des produits sanguins contaminés à des hémophiles. Plus de 2000 patients ont ainsi été contaminés par le virus du sida (VIH) et par le virus de l’hépatite C. Plusieurs médecins et ministres ont été mis en cause et ont comparu devant la justice. Dates-clé, nombre de victimes, nombre de morts, ministres impliqués, résultat de la condamnation… Retour sur une affaire sanitaire mêlé à un scandale politique qui a marqué la France.
Dates-clé du scandale du sang contaminé
► Fin 1984 : l’épidémie de sida se propage à grande vitesse. On entend de plus en plus parler d’elle, notamment en France. On suspecte un mode de transmission de la maladie par voie sanguine et les réserves de sang du pays, issues des donneurs de sang, sont potentiellement contaminées (il n’y a pas de test de dépistage des donneurs à cette époque). Pour éviter les contaminations au sida, il faudrait alors traiter les plasmas recueillis (chauffer le sang à haute température inactive le virus) avant de procéder à une transfusion sanguine ou a minima, ne pas utiliser les produits non traités. C’est en tout cas ce que recommandent les professionnels de santé de l’époque. Mais les capacités de traitement étant insuffisantes en France, le Centre de transfusion sanguine (CNTS), en concertation avec les membres du gouvernement, autorise la circulation de stocks de sang contaminé par le virus du sida, à destination des hémophiles nécessitant une transfusion sanguine.
► Entre 1984 et 1985 : plusieurs milliers d’hémophiles sont traités avec ces produits, contaminés et laissés sur le marché en toute conscience. C’est le début de l’un des plus grands scandales sanitaires de la fin du XXe siècle. La décision de n’utiliser que des produits sanguins chauffés (et donc dépourvus de virus) n’a été prise qu’en juillet 1985 et mise en application que le 1er octobre 1985. La même année, en 1985, le Premier ministre, Laurent Fabius, annonce le dépistage obligatoire des donneurs de sang à partir du 1er août, mais c’est déjà trop tard : 95 % des hémophiles traités sont contaminés par le virus du sida ou par le virus de l’hépatite C.
« Selon des statistiques, tous nos produits pour soigner les hémophiles sont contaminés par le virus du sida »
► Le 25 avril 1991 : Anne-Marie Casteret, journaliste française et médecin de formation, rend public, dans l’hebdomadaire « L’Evénement du Jeudi », un rapport confidentiel d’une réunion qui s’est déroulée quelques années plus tôt au Centre national de transfusion sanguine (CNTS). Selon ce rapport, le CNTS aurait sciemment distribué des produits sanguins contaminés par le virus du sida à des hémophiles. D’ailleurs, la même année, en 1991, le CNTS l’écrit noir sur blanc dans un article de presse : « Selon des statistiques, tous nos produits pour soigner les hémophiles sont contaminés par le virus du sida« . Le grand public prend alors connaissance de cette affaire. Le monde médiatique aussi.
► Le 22 juin 1992 : la justice s’empare de l’affaire. Un premier procès s’ouvre et quatre médecins, dont l’ancien directeur du CNTS, Michel Garretta, sont jugés pour tromperie et pour absence d’informations sur le risque inhérent aux produits sanguins. Le premier verdict du procès tombe. Les médecins jugés écopent d’une peine de prison et Michel Garretta est condamné à 4 ans de prison ferme. Mais ces médecins rejettent la faute sur le gouvernement. Les victimes également : pour elles, les membres du gouvernement de l’époque étaient forcément informés. Des raisons financières sont évoquées. Les cibles sont : Edmond Hervé, secrétaire d’Etat à la Santé au moment des faits, Georgina Dufoix, ministre des Affaires Sociales et Laurent Fabius, Premier ministre. Tous les trois sont envoyés devant la Cour de justice de la République pour complicité d’empoisonnement et « homicide involontaire ». Laurent Fabius est également poursuivi pour la mort de trois personnes et pour la contamination de deux autres. Aussi, la commission d’instruction reproche à Georgina Dufoix d’avoir freiné, pour des raisons financières, la mise en place du dépistage systématique.
► Entre 1992 et 1996 : des associations de victimes se multiplient. En 1996, le montant total des indemnisations des victimes et de leurs familles est évalué à 17 milliards de francs. Ces indemnisations sont financées par l’Etat et par les assureurs.
► Le 9 février 1999 : le procès des trois ex-ministres (Laurent Fabius, Georgina Dufoix et Edmond Hervé) s’ouvre devant la Cour de Justice de la République pour « complicité d’empoisonnement » et « homicide involontaire ».
► Le 9 mars 1999 : la cour de Justice de la République innocente Laurent Fabius et Georgina Dufoix. Seul le secrétaire d’Etat Edmond Hervé est condamné pour avoir retardé la généralisation du dépistage, jouer un rôle dans l’absence de sélection des donneurs de sang et dans l’interdiction tardive des produits non chauffés, mais il est finalement dispensé de peine.
► Le 18 juin 2003 : les dernières procédures se terminent avec un non-lieu général confirmé par la Cour de Cassation. La Haute Cour estime que le crime d’empoisonnement ne peut être validé que si l’auteur a agi avec l’intention de donner la mort. Ainsi, la preuve de la connaissance par les médecins du caractère mortifère des produits sanguins n’étant pas rapportée, le chef d’accusation d’empoisonnement ne peut être retenu.
► Cette affaire marque la refonte totale du système de transfusion sanguine puisqu’après le scandale du sang contaminé, des mesures drastiques ont été prises pour sélectionner les donneurs et avoir un sang sain.
Quel est le nombre de victimes dans l’affaire du sang contaminé ?
Les victimes sont principalement des personnes atteintes d’hémophilie et des patients hospitalisés nécessitant une transfusion sanguine entre 1984 et 1985. Dans son rapport confidentiel, le CNTS reconnaît qu’une personne sur deux ayant reçu une transfusion sanguine lors de cette période a été contaminée, soit près de 2 000 personnes, parmi elles des enfants. 40 % des victimes en sont mortes (soit environ 800 décès) selon un article de Jean-Michel Dumay « Le procès des ministres dans l’affaire du sang contaminé » publié dans Le Monde le 9 février 1999.
Qui était ministre de la Santé à l’époque du scandale du sang contaminé ?
C’était Georgina Dufoix qui était ministre des Affaires sociales et de la Solidarité nationale. « Je me sens tout à fait responsable, pour autant je ne me sens pas coupable« , avait déclaré Georgina Dufoix, le 31 janvier 1992 sur le plateau de 7/7. Une formule devenue très célèbre dans l’affaire. Edmond Hervé était quant à lui rattaché auprès d’elle comme secrétaire d’État chargé de la Santé. Tous les deux ont été mis en cause dans l’affaire du sang contaminé pour « complicité d’empoisonnement » et « homicide involontaire », avec Laurent Fabius, ancien Premier ministre.
Qui a été condamné dans l’affaire du sang contaminé ?
Pour le premier procès, en 1992 :
- Michel Garretta, ex-directeur du Centre national de transfusion sanguine, est condamné à 4 ans de prison ferme et 500 000 francs d’amende. Le 28 octobre 1992, Michel Garretta est incarcéré.
- Jean-Pierre Allain, responsable jusqu’en 1986 du département Recherche et développement du CNTS et des produits hémophiliques et clinicien référent, est condamné à 4 ans de prison, dont 2 avec sursis et 2 autres pour non-assistance à personne en danger.
- Jacques Roux, ancien directeur général de la santé, est condamné à trois ans de prison avec sursis.
- Robert Netter, ex-directeur du laboratoire national de la santé, est relaxé.
Pour le second procès en 1999 :
- Laurent Fabius est innocenté
- Georgina Dufoix est innocenté
- Edmond Hervé est condamné, mais dispensé de peine.
Quelles ont été les maladies transmises dans le scandale du sang contaminé ?
Le virus du sida (le VIH) a principalement été transmis lors des transfusions avec le sang contaminé. Mais aussi le virus de l’hépatite C.
Qui est Anne-Marie Casteret, la lanceuse d’alerte du scandale ?
Anne-Marie Casteret, née le 3 novembre 1948 à Sétif est une journaliste française et médecin de formation. Elle a été la première à révéler l’affaire du sang contaminé dans l’Evénement du Jeudi en 1991, avec, à l’appui, des preuves accablantes. En 1992, Anne-Marie Casteret a publié un livre intitulé L’Affaire du sang, dans lequel elle décrit les contours de ce scandale sanitaire et elle évoque également la souffrance des personnes contaminées. Elle décède le 20 mai 2006 à Saint-Nazaire des suites d’une maladie de Hodgkin.
Sources : Archives de l’INA (mis à jour en avril 2021) / Archive du Monde Diplomatique (février 1999)