Un enseignant en histoire du collège de Conflans-Saint-Honorine a été décapité, non loin de son établissement scolaire, le 16 octobre, à 17h. Son assassin a été abattu par la police et le parquet anti-terroriste, saisi. Détails de l’attentat et avancées de l’enquête.
Une barbarie sans nom, un acte impensable… Et une onde de choc. Un professeur d’histoire du collège du Bois d’Aulne de Conflans-Saint-Honorine, dans les Yvelines, a été assassiné et décapité par un homme, le vendredi 16 octobre en fin d’après-midi, à la veille des vacances de la Toussaint. L’enseignant de 47 ans aurait montré il y a quelques jours des caricatures de Mahomet à ses élèves dans un cours d’expression libre…
La police la brigade anticriminalité (BAC), appelée vers 17h pour un individu qui rôdait près de l’établissement avec un couteau de cuisine à la main, a découvert sur place l’atroce crime de la victime ensanglantée et décapitée, avant de retrouver l’assaillant 200 mètres plus loin, à Eragny (Val d’Oise).
Après une course poursuite, les forces de l’ordre auraient ouvert le feu à plusieurs reprises et auraient abattu par balles l’agresseur, qui aurait hurlé “Allah akbar” avant de mourir. Une opération de déminage a été entreprise,
Le parquet anti-terroriste a été saisi de l’affaire. Des perquisitions ont eu lieu dans la nuit du 16 au 17 octobre. Neuf personnes sont en garde à vue, selon une source judiciaire. Les quatre premières personnes, dont un mineur, sont issues de l’entourage familial de l’assaillant. Il s’agit de ses parents, de ses grand-parents et de son petit frère, interpellés à Evreux, dans l’Eure.
Parmi les cinq autres personnes interpellées figurent deux parents d’élève du collège où travaillait la victime.
Qui est l’assaillant ?
Selon les premières sources, le terroriste serait Abdoulakh A., un jeune homme d’origine tchétchène de confession musulmane âgé seulement de 18 ans, né en 2002 à Moscou, en Russie. Il pourrait faire partie d’une bande à Eragny, dans laquelle se trouvait une personne islamiste fichée “S“, selon les informations du Figaro. Avant l’intervention de la police, il aurait diffusé une vidéo sur les réseaux sociaux de la tête décapitée du professeur. L’individu, qui était inconnu des services de renseignements, bénéficiait du statut de réfugié et était porteur d’un titre de séjour délivré le 4 mars dernier. Il était néanmoins connu pour des faits de droit commun.
Des menaces envoyées par les parents
Le professeur aurait présenté des caricatures du prophète Mahomet à sa classe au début du mois d’octobre. Dans une vidéo, un homme aurait raconté sa version des faits, expliquant que l’enseignant aurait demandé aux élèves musulmans de sortir lors du débat. “Ma fille a refusé de sortir. Il a montré un homme tout nu en leur disant que c’était le prophète”, a-t-il déclaré.
Certaines familles se seraient donc plaintes auprès de la principale du collège le 5 octobre, demandant la démission de l’enseignant. Celui-ci aurait par ailleurs été menacé par certains parents, et aurait déposé plainte à leur encontre.
Des rumeurs de “blasphème” auraient ensuite circulé auprès des habitants et des cités de la commune…
Sidération et émotion
Emmanuel Macron a rapidement réagi à cet horrible crime et s’est rendu sur les lieux dans la soirée du 16 octobre.
“Un de nos concitoyens a été assassiné aujourd’hui parce qu’il enseignait, parce qu’il apprenait à des élèves la liberté d’expression, la liberté de croire et de ne pas croire. Notre compatriote a été lâchement attaqué, a été la victime d’un attentat terroriste islamiste caractérisé”, a déclaré le Président de la République, en concluant : “Tous et toutes, nous ferons bloc… Ils ne passeront pas”. “L’obscurantisme et la violence qui l’accompagne ne gagneront pas. Ils ne nous diviseront pas”.
Le Syndicat national des enseignements de second degré (SNES-FSU) a appelé tout le personnel de l’Education Nationale à faire une minute de silence le samedi 17 octobre à 11h “en mémoire de notre collègue assassiné et en soutien à ses collègues, ses élèves, sa famille, ses proches”.
Le Ministre de l’Education Nationale Jean-Michel Blanquer s’est lui aussi exprimé sur Twitter, affirmant qu’il s’adressait aux familles et personnels enseignants en vidéo “pour une réaction de solidarité absolue et de solidité de toute notre institution”.
Charlie Hebdo a également partagé “son sentiment d’horreur et de révolte” sur le réseau social, assurant que “l’intolérance vient de franchir un nouveau seuil et ne semble reculer devant rien pour imposer sa terreur à notre pays”
Nous appelons les personnels de lÉducation nationale à faire une minute de silence demain samedi 17 octobre à 11h, dans les établissements scolaires ouverts, en mémoire de notre collègue assassiné et en soutien à ses collègues, ses élèves, sa famille, ses proches. #JeSuisProf
— SNES-FSU (@SNESFSU) October 16, 2020
Charlie Hebdo fait part de son sentiment dhorreur et de révolte après quun enseignant dans lexercice de son métier a été assassiné par un fanatique religieux. Nous exprimons notre plus vif soutien à sa famille, à ses proches ainsi quà tous les enseignants.
— Charlie Hebdo (@Charlie_Hebdo_) October 16, 2020
Les députés de l’Assemblée Nationale se sont levés dans la soirée du 16 octobre “pour saluer la mémoire” du professeur décapité et dénoncer “un abominable attentat“.
Un “hommage national” sera rendu à l’enseignant, a annoncé la présidence de la République. Cet hommage, dont la date n’est pas encore fixée, est organisé en coordination avec la famille, a précisé l’Elysée à l’AFP.
Le gouvernement “se montrera de la plus grande fermeté”
Le premier ministre, Jean Castex s’est adressé aux syndicats d’enseignants. “Ce sont les valeurs les plus fondamentales de la République qui sont touchées”, a-t-il lancé, lors d’une réunion au ministère de l’Éducation nationale, rapporte France Info, d’après l’entourage du Premier ministre.“Évidemment, au-delà de la personne de Monsieur P., vous avez tous conscience que ce sont les valeurs les plus fondamentales de la République qui sont touchées : après la liberté de la presse, et Charlie Hebdo, la liberté d’enseigner, bref, la République”, regrette le Premier ministre, qui estime que “la laïcité, colonne vertébrale de la République a été, à travers cet acte ignoble, visée.” “Ces agissements barbares, me semblent-ils, compte tenu des éléments dont je dispose, sont des actes qui sont imputables au terrorisme islamique”, a indiqué le Premier ministre devant les syndicats. S’il n’a “pas l’intention de ne pas réagir”, Jean Castex mesure une nouvelle fois “combien c’est l’État républicain qui, à travers cet acte, est interpellé et se montrera de la plus grande fermeté, au-delà de la solidarité totale qu’il doit à la communauté éducative.”
D’après les informations de BFMTV, un conseil de défense aura lieu à l’Élysée d’ici dimanche. Il sera consacré au drame de Conflans-Sainte-Honorine et aux conséquences à en tirer. En fin de journée, le palais présidentiel a également annoncé qu’un hommage national aura lieu mercredi prochain en l’honneur du professeur d’histoire-géographie.
Lors d’un point presse, ce samedi 17 octobre, le ministre de l’Éducation nationale a exprimé toute l’émotion et toute la solidarité de l’Education Nationale pour la famille, les proches et les collègues du professeur tué hier.
Au cours de son intervention, Jean-Michel Blanquer a rappelé que l’école est “la colonne vertébrale de la République”.
Le ministre a également annoncé qu’une série d’hommages sera rendue au professeur, dès le 2 novembre, au retour des vacances de la Toussaint. Cette succession comprendra “nécessairement une minute de silence”, a affirmé Jean-Michel Blanquer en ajoutant qu’il y aurait un cadrage “strict, puissant et fort” pour le travail pédagogique et éducatif. Le ministre de l’Éducation a également rappelé que tous les professeurs qui seraient amenés à faire un cours sur la liberté d’expression sont “en droit de montrer les caricatures de Mahomet”.
Lors d’une conférence de presse, le procureur de la République anti-terroriste, Jean-François Ricard, a fait un point sur l’assassinat du professeur d’histoire-géographie de Conflans-Sainte-Honorine. Il a annoncé qu’à la suite de la neutralisation de l’assaillant, “un couteau de type poignard, une arme de poing de type airsoft et 5 cartouches ont été saisis”, a indiqué le procureur de la République. L’individu bénéficiait du statut de réfugié et était porteur d’un titre de séjour valable dix ans, délivré le 4 mars dernier. Jean-François Ricard a également annoncé qu’un texte de revendication et une photographie de la victime ont été retrouvés dans le téléphone de l’assaillant, les mêmes, qui ont été tweetés une fois le professeur décapité